SUIVANT 2/3
ous qui croyez aux légendes, voici le récit – tel qu'il nous a été rapporté – d'un chasseur de trésor, garçon de ferme de son état, ayant vécu au Moyen Âge dans la campagne de l'actuel Jura suisse. Avide, intrépide, ingénieux, le jeune homme usa d'un stratagème afin de dérober un joyau, d'une valeur inestimable, à son propriétaire: une vouivre… mais ce cousin du dragon, hôte des marais, des grottes et des bois avait la rancune tenace.
La Vouivre de Courgenay
A l'affût au bord d'un étang, un valet de ferme se glissa à l'intérieur d'un tonneau hérissé de pointes d'acier et pourvu d'une petite porte qui lui permettait de passer une main. Ainsi protégé, il attendit la bête. Seul avec son angoisse, il vit poindre dans cette nuit sans lune, l'éclat mystérieux de l'œil unique de la vouivre. Sa vie défila en un court instant dans son esprit, le temps pour l'animal de serpenter du sommet de l'épicéa, où il s'était posé, jusqu'au sol sur la rive de la mare saumâtre.
Le jeune commis se rappela pourquoi il était là et pourquoi il risquait sa vie et son âme dans cette chasse diabolique. Sans fortune et sans éducation, il avait obtenu la considération et l'affection de son employeur. Celui-ci, homme affable mais seul dans la vie, en avait fait son légataire universel au même titre que s'il avait été son propre fils. Les heurs et malheurs avaient réduit ce bon paysan à l'état d'invalide. Malgré les médications diverses, rien ne soulagea notre brave homme de sa peine. Il fallait agir car la mort approchait. Que restait-il comme alternative au futur héritier afin d'apaiser son généreux père de cœur sinon l'œil de vouivre car, selon une croyance, ce globe oculaire, constitué d'une pierre précieuse aux pouvoirs surnaturels dite escarboucle, apportait richesse et santé au mortel capable de s'en emparer. C'est ainsi qu'après moult réflexions sur la stratégie à adopter, le dévoué domestique opta pour cette solution.